23 avr. 2018

IL PLEUT DES CORDES


 J'étais en vadrouille à Rouen, il y a quelques jours, lorsque je croise quelqu'un qui me reconnait.
"qu'est ce que tu fais dans le coin?" me demande t il.
"Je cherche une culotte à paillettes", réponds-je, emplie de l'importance de ma mission.
C'était pour le spectacle du soir, et je me réjouissais des chemins mystérieux que la création nous fait parfois prendre.

Chemin faisant, nous devisâmes.
La personne croisée s'appelait Thomas, était luthier, m'avait vue deux fois en concert, répondit "en larmes, au premier rang" lorsque je lui demandais où, et m'invita à passer dans la boutique où il finissait son stage, si j'avais un peu de temps libre pendant mon séjour. Tandis que je zyeutais les vitrines alentours pour repérer d'éventuelles options fessières scintillantes, la discussion et la promenade avançaient, et ayant l'esprit curieux, il m'accompagna jusqu'au théâtre, où il assista à la performance du soir, fut décontenancé par la quantité de boudin et de sauce tomate employée par Rebecca et Elisa, les fantastiques performeuses qui m'avaient invitée à hanter le plateau (et m'avaient confiée la fameuse mission-culotte), mais renouvela néanmoins son invitation à passer voir les instruments et la boutique qu'il occupait. 

 crédit photo : Sonia / Circ&Zaar

Je ne promettais rien, ayant pris l'habitude ces derniers mois d'avoir environ zéro pour cent de temps libre, mais le troisième après midi, juste avant la dernière performance, je m'aperçus que j'étais à deux cent mètres de la boutique en question, et que j'avais les mains dans les poches pour encore une heure ou deux avant le spectacle du soir.
j'ai donc zigzagué entre les vieux immeubles à colombages, et me suis retrouvée le nez devant une vitrine remplie d'instruments qui chuchotaient tous une quantité astronomique d'histoires. J'ai poussé la porte et agrandi mon sourire.

Dedans, c'était pire. Guitares de toutes sortes, de toutes formes, vieux bois, construction de Weissenborn sur des étuis à violon, ukulélé, harmonium, orgue Bontempi, et même un petit charengo-tatou, ( comme celui que j'avais récupéré en morceaux sur une brocante, fait réparer, et que je jouais avec un mélange d'envie de protection, d'impression de force offerte, et de froncements de sourcils, parce que c'était fabriqué avec un animal, c'était un petit instrument à oreilles. Malgré ce mélange de sentiments, j'avais été vraiment triste, quand il avait disparu un soir il y a quelques années. ) et puis guitares électriques tordues et rutilantes, carapaces de harpes étranges, vieilles partitions.

J'ai poussé des exclamations extasiées en guise de bonjour pendant trois bonnes minutes, en courant dans tous les coins, et puis Thomas et Baptiste, le luthier attitré d' "Il pleut des Cordes" , ce petit paradis rempli de trésors, abandonnant probablement tout espoir d'une interaction humaine habituelle, m'ont laissée attraper et essayer ce que je voulais. Je pouvais difficilement parler parce que j'étais trop enthousiaste, ça faisait des embouteillages de bonheur dans ma tête. Je parlais avec les doigts: j'essayais des instruments, je chantais des morceaux de choses qui me venaient en tête, jusqu'à ce que la petite fontaine de mots et de notes se calme, alors je m'arrêtais, je disais OHLALA , et je tournais la tête pour voir un autre trésor.

j'ai demandé si je pouvais avoir une photo en souvenir, j'avais les mains toutes roses d'avoir changé de couleur le matin même, une robe blanche trouvée le matin même et reperdue depuis (PEZENAS ET LE PRINTIVAL RENDEZ MOI MA ROBE !!! JE SUIS TELLEMENT TRISTE!! C'EST MA ROBE POUR LA SCÈNE!!! ENCORE UNE CHOSE ADORÉE PERDUE, OÙ EST MON PUIT DES CHOSES PERDUES??), et de voir comme ça le bois et les cordes autour de mes dentelles, le hasard qui m'avait attrapée pour m'amener là, les chansons qui venaient toutes seules, je voulais garder une image de ce moment.
"Ben, le mieux ce serait faire une vidéo", a dit Thomas.

Il est allée chercher la voisine, Sonia, qui se trouvait faire des images complètement chouettes et était disponible et HOP on a tourné quatre ou cinq morceaux acoustiques.

Dans la foulée je suis tombée en amour scotché total pour une guitare électrique rouge. Elle appartient à Baptiste, le luthier, qui ne veut pas s'en séparer, et je comprends de tout mon coeur, en même temps que j'ai envie de faire des gestes dramatiques tels que pleurer la nuit dans mes draps en poussant de longs soupirs, comme la groupie du pianiste qui serait la groupie de la guitare électrique, AH GUITARE ROUGE DE MES RÊVES POURQUOI, bouh, etc, etc, dirais-je en promenant mon âme en peine dans de longues errances avec un voile noir sur mes yeux tristes et mes mains blèmes de ne pas la tenir serrée contre moi à chaque concert. Mais tout de même j'ai pu voler avec elle un moment de joie et d'amour tressaillante (le micro, ému, sursautait à chaque instant) en hurlant une chanson de coeur brisé, avec ma voix encore cassée de l'extinction des jours précédents. Une chanson, je ne le savais pas encore, qui allait préfigurer la suite de la rencontre avec cette guitare, donc. BROKEN HEART BROKEN HEART, YOU TOOK THE SPACE THAT SHE LEFT, WHEN I WENT AWAY FROM HER DARK EYES AND HER SPELLS, une chanson inventée l'année dernière et qu'on pourrait traduire par COEUR BRISÉ COEUR BRISÉ, TU AS PRIS LA PLACE QUI ÉTAIT LA SIENNE, QUAND JE ME SUIS ÉLOIGNÉE DE SES YEUX SOMBRES ET DE SES SORTS, AINSI QUE DE SA PEINTURE ROUGE RUTILANTE ET DE SES ORNEMENTS D'ÉCLAIRS AINSI QUE DE SES MICROS ROUILLÉS MERVEILLEUX ET DE SES CORDES AU SON ECLATANT ET GRESILLANT A LA FOIS BOUHOHUHOUHOUHOU.

tout ça pour dire que des petites sessions acoustiques de ce moment de hasard et de joie sont actuellement en préparation, dans les mains de Sonia qui a eu la gentillesse de plonger avec nous dans ces sessions improvisées. Que je vous fait circuler ça bientôt.

et qu'avant de repartir dans Rouen qui m'avalait pour la dernière performance du soir, comme Thomas demandait une photo souvenir, j'ai fait semblant de vouloir réparer moi-même les guitares qui patientaient, confiantes, (les pauvres) sur l'établi, et Sonia a pris les photos, clac-clac.

Merci Sonia, Baptiste, Thomas, Il Pleut des Cordes, merci le hasard, les guitares merveilleuses qu'on tient entre ses bras et qu'on voudrait revoir,
merci les culottes à paillettes oubliées qui finalement sont à l'origine de tout ce petit bazar joyeux,
tous ces ingrédients sont dans les vidéos, (sauf la culotte à paillettes)

je me réjouis moi aussi complètement de les voir bientôt, et surtout de les partager avec vous.

Un bisou dégoulinant sur vos têtes

Camille

 crédit photo : Sonia / Circ&Zaar

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