J'étais en vadrouille à Rouen, il y a
quelques jours, lorsque je croise quelqu'un qui me reconnait.
"qu'est ce que tu fais dans le
coin?" me demande t il.
"Je cherche une culotte à
paillettes", réponds-je, emplie de l'importance de ma mission.
C'était pour le spectacle du soir, et
je me réjouissais des chemins mystérieux que la création nous fait
parfois prendre.
Chemin faisant, nous devisâmes.
La personne croisée s'appelait Thomas,
était luthier, m'avait vue deux fois en concert, répondit "en
larmes, au premier rang" lorsque je lui demandais où, et
m'invita à passer dans la boutique où il finissait son stage, si
j'avais un peu de temps libre pendant mon séjour. Tandis que je
zyeutais les vitrines alentours pour repérer d'éventuelles options
fessières scintillantes, la discussion et la promenade avançaient,
et ayant l'esprit curieux, il m'accompagna jusqu'au théâtre, où il
assista à la performance du soir, fut décontenancé par la quantité
de boudin et de sauce tomate employée par Rebecca et Elisa, les
fantastiques performeuses qui m'avaient invitée à hanter le plateau
(et m'avaient confiée la fameuse mission-culotte), mais renouvela
néanmoins son invitation à passer voir les instruments et la
boutique qu'il occupait.
crédit photo : Sonia / Circ&Zaar
Je ne promettais rien, ayant pris
l'habitude ces derniers mois d'avoir environ zéro pour cent de temps
libre, mais le troisième après midi, juste avant la dernière
performance, je m'aperçus que j'étais à deux cent mètres de la
boutique en question, et que j'avais les mains dans les poches pour
encore une heure ou deux avant le spectacle du soir.
j'ai donc zigzagué entre les vieux
immeubles à colombages, et me suis retrouvée le nez devant une
vitrine remplie d'instruments qui chuchotaient tous une quantité
astronomique d'histoires. J'ai poussé la porte et agrandi mon
sourire.
Dedans, c'était pire. Guitares de
toutes sortes, de toutes formes, vieux bois, construction de
Weissenborn sur des étuis à violon, ukulélé, harmonium, orgue
Bontempi, et même un petit charengo-tatou, ( comme celui que j'avais
récupéré en morceaux sur une brocante, fait réparer, et que je
jouais avec un mélange d'envie de protection, d'impression de force
offerte, et de froncements de sourcils, parce que c'était fabriqué avec un animal,
c'était un petit instrument à oreilles. Malgré ce mélange de
sentiments, j'avais été vraiment triste, quand il avait disparu un
soir il y a quelques années. ) et puis guitares électriques tordues
et rutilantes, carapaces de harpes étranges, vieilles partitions.
J'ai poussé des exclamations extasiées
en guise de bonjour pendant trois bonnes minutes, en courant dans
tous les coins, et puis Thomas et Baptiste, le luthier attitré d'
"Il pleut des Cordes" , ce petit paradis rempli de trésors,
abandonnant probablement tout espoir d'une interaction humaine
habituelle, m'ont laissée attraper et essayer ce que je voulais. Je
pouvais difficilement parler parce que j'étais trop enthousiaste, ça
faisait des embouteillages de bonheur dans ma tête. Je parlais avec
les doigts: j'essayais des instruments, je chantais des morceaux de
choses qui me venaient en tête, jusqu'à ce que la petite fontaine
de mots et de notes se calme, alors je m'arrêtais, je disais OHLALA
, et je tournais la tête pour voir un autre trésor.
j'ai demandé si je pouvais avoir une
photo en souvenir, j'avais les mains toutes roses d'avoir changé de
couleur le matin même, une robe blanche trouvée le matin même et
reperdue depuis (PEZENAS ET LE PRINTIVAL RENDEZ MOI MA ROBE !!! JE
SUIS TELLEMENT TRISTE!! C'EST MA ROBE POUR LA SCÈNE!!! ENCORE UNE
CHOSE ADORÉE PERDUE, OÙ EST MON PUIT DES CHOSES PERDUES??), et de
voir comme ça le bois et les cordes autour de mes dentelles, le
hasard qui m'avait attrapée pour m'amener là, les chansons qui
venaient toutes seules, je voulais garder une image de ce moment.
"Ben, le mieux ce serait faire une
vidéo", a dit Thomas.
Il est allée chercher la voisine,
Sonia, qui se trouvait faire des images complètement chouettes et
était disponible et HOP on a tourné quatre ou cinq morceaux
acoustiques.
Dans la foulée je suis tombée en
amour scotché total pour une guitare électrique rouge. Elle
appartient à Baptiste, le luthier, qui ne veut pas s'en séparer, et
je comprends de tout mon coeur, en même temps que j'ai envie de
faire des gestes dramatiques tels que pleurer la nuit dans mes draps
en poussant de longs soupirs, comme la groupie du pianiste qui serait
la groupie de la guitare électrique, AH GUITARE ROUGE DE MES RÊVES
POURQUOI, bouh, etc, etc, dirais-je en promenant mon âme en peine
dans de longues errances avec un voile noir sur mes yeux tristes et
mes mains blèmes de ne pas la tenir serrée contre moi à chaque
concert. Mais tout de même j'ai pu voler avec elle un moment de joie
et d'amour tressaillante (le micro, ému, sursautait à chaque
instant) en hurlant une chanson de coeur brisé, avec ma voix encore
cassée de l'extinction des jours précédents. Une chanson, je ne le
savais pas encore, qui allait préfigurer la suite de la rencontre
avec cette guitare, donc. BROKEN HEART BROKEN HEART, YOU TOOK THE
SPACE THAT SHE LEFT, WHEN I WENT AWAY FROM HER DARK EYES AND HER
SPELLS, une chanson inventée l'année dernière et qu'on pourrait
traduire par COEUR BRISÉ COEUR BRISÉ, TU AS PRIS LA PLACE QUI ÉTAIT
LA SIENNE, QUAND JE ME SUIS ÉLOIGNÉE DE SES YEUX SOMBRES ET DE SES
SORTS, AINSI QUE DE SA PEINTURE ROUGE RUTILANTE ET DE SES ORNEMENTS
D'ÉCLAIRS AINSI QUE DE SES MICROS ROUILLÉS MERVEILLEUX ET DE SES
CORDES AU SON ECLATANT ET GRESILLANT A LA FOIS BOUHOHUHOUHOUHOU.
tout ça pour dire que des petites
sessions acoustiques de ce moment de hasard et de joie sont
actuellement en préparation, dans les mains de Sonia qui a eu la gentillesse de
plonger avec nous dans ces sessions improvisées. Que je vous fait
circuler ça bientôt.
et qu'avant de repartir dans Rouen qui
m'avalait pour la dernière performance du soir, comme Thomas
demandait une photo souvenir, j'ai fait semblant de vouloir réparer
moi-même les guitares qui patientaient, confiantes, (les pauvres)
sur l'établi, et Sonia a pris les photos, clac-clac.
Merci Sonia, Baptiste, Thomas, Il Pleut des Cordes, merci le
hasard, les guitares merveilleuses qu'on tient entre ses bras et
qu'on voudrait revoir,
merci les culottes à paillettes
oubliées qui finalement sont à l'origine de tout ce petit bazar
joyeux,
tous ces ingrédients sont dans les
vidéos, (sauf la culotte à paillettes)
je me réjouis moi aussi complètement
de les voir bientôt, et surtout de les partager avec vous.
Un bisou dégoulinant sur vos têtes
Camille
crédit photo : Sonia / Circ&Zaar
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