Merci Muzillac, merci Le Vieux Couvent,
la grâce de l'accueil, l'écoute de tous les instants, merci Ben
Mazué, qui rigolait dans sa marinière, en nous emmenant dans tout
ce théâtre de mots, de réels qui ressemblent aux fictions, de
confidences, et de petits refrains à chanter à tue tête sur son
vélo, tanguant tranquillement entre la ville et le grand large. Je
ne voulais pas louper une miette de son concert mais je faisais
attendre et trainer toute la cuisine, alors j'ai couru me remplir
une assiette et puis recouru vers les marches, à pas de louve dans
les escaliers, l'assiette sur mes genoux, et je rigolais en sourdine
de ce luxe de manger ma salade sur les escaliers du concerts,
escaliers qui, donc, à toutes les secondes, devenaient une barque ou
un vélo, une ville et un océan. Je ne sais pas comment fait Ben
pour changer ainsi n'importe quoi en mélodie et faire venir tout
l'atlantique au milieu des immeubles familiers, mais je ne veux pas
que la recette se perde, et je pense que le monde a infiniment besoin
de ce genre de sorcellerie. Merci pour ça.
Merci aussi plus que je ne peux dire,
Muzillac pour cette écoute folle dans laquelle je m'engloutissais
toute entière, changeant tout ce qui était prévu, jusqu'au
Partisan en rappel, et quand je suis revenue sur scène je me suis
rendue comme on rend les armes, oui, il n'y avait que ça à chanter
pour que ce soit vrai maintenant. Alors j'ai repris la chanson, le
vent qui souffle entre les tombes, la vieille dame qui cache les
résistants dans son grenier et les soldats qui viennent avec leurs
papiers officiels et leurs armes. J'ai repris les couplets qui
étaient venus dans mon sac quand j'y portais cette chanson là, et
j'ai tout chanté, voilà. J'étais si émue de voir les gens se
lever que je n'ai même pas dit merci au micro, je crois que j'ai
juste crié merci avec mes mains pour faire écho, parce que j'étais
trop émue et que j'avais envie de faire un calin à toutes les
personnes une par une.
On a beaucoup parlé ce soir là, parlé
des chansons et de la vie, parlé des musiques qui naissent et des
villes souterraines, des villes qui se dévoilent comme en tombant la
robe, des magies faciles et de celles qui sont cachées.
Puis, la nuit, la maison qui nous
accueillait était pleine de détours, je jouais à me cacher dans le
papier peint et je voulais entrer dans toutes les pièces, mais il
fallait dormir quelques heures pour repartir tôt le lendemain. Au
matin on a trouvé des croissants, des étuis de guitares, un vieux
piano et un flipper. Je me sentais à la fois infiniment frustrée de
ne pas pouvoir rester là, et beaucoup trop gâtée que ce soit pour
la plus belle raison du monde, parce que j'avais un autre
rendez-vous, qu'il y avait un autre concert à dérouler, une autre
ville, qui appelait mon nom. Merci, Muzillac, de m'avoir offert tous
ces cadeaux, le dernier étant la vue de ton clocher dans le matin
encore bleu, alors que je m'apprêtais à râler sur la nuit toujours
trop courte et la non-invention de la téléportation, la vue qui a enlevé ma fatigue avant même avant qu'elle ne naisse, dans cet étonnement de la beauté du monde toujours surprenante, toujours
renouvelée, devant laquelle on peut s'émerveiller naïvement,
oubliant l'espace d'un instant pourquoi c'est si nécessaire,
aujourd'hui, de rajouter des strophes au Partisan et de pleurer sur
la mort de Leonard Cohen, qui savait parler des chemins secrets de la
sagesse et de la folie, avec plus de douceur que personne.
4 commentaires:
Merci Camille, demoiselle qui n'est plus inconnue pour les bretons de Muzillac où muse il y a eu par ta présence...
Frère Thierry du Vieux Couvent de Muzillac.
Merci Camille, Demoiselle qui n'est plus inconnue pour les bretons de Muzillac ...où muse il y a eu vendredi grâce à ta présence !
Frère Thierry du Vieux Couvent de Muzillac.
Super concert dans une superbe salle, merci et à bientôt !
Merci, Camille, pour toutes ces beautés. Vous lire est toujours une forte émotion et, effectivement, on voudrait vous serrer dans les bras.
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