hier nuit
il y avait une petite fille à la
maison
on a mangé des pâtes alphabet
j'ai dit imagine tous les mots qu'on
avale
imagine si on ne pouvait parler qu'avec
les lettres qu'on a mangées
elle a dit imagine si on mange des gros
mots
on a rigolé
elle dessinait une carte aux trésors
avec tellement d'inscriptions
je pensais au moment où elle apprenait
à lire et à écrire
elle faisait tous les E à l'envers
sans doute les pates alphabet avaient
réparé ça
en ce moment je continue de ne pas
savoir parler
je ne sais pas si ce n'est pas un temps
à parler - trop froid pour se découvrir
ou si simplement je n'en ai pas l'habitude
surement j'ai plus de méfiance que ce
que j'imagine
et la nuit comme la petite fille, et
les autres somnambules
je plonge mon manteau dans l'eau et
dans le fer
pour en faire une armure
on ne sait pas, on fait et on défait
tellement de choses pendant la nuit
comme dans ma chanson, quand je veux parler, je vais vers le
rivage
et j'envoie des bouteilles vides
c'est comme si le temps passait mais
n'effaçait rien
l'inscription toujours là sur la
plage, les vagues
effacent d'autres choses
changent les coquillages d'ordre.
elle m'avait amené une guitare pour
l'accorder
elle m'a offert un médiator coupé dans
du carton
je lui ai joué de la harpe et de la
guitare pour s'endormir
et j'ai mis des livres autour d'elle
pour la border
plus tard elle est revenue tirer sur ma
manche
parce que le sommeil ne venait pas
j'ai posé la plume et fermé l'encrier
dit bonne nuit à mes personnages qui
restent pourtant toujours les yeux ouverts
et je suis allée me coucher avec elle
je rigolais parce qu'elle dormait avec
des mouvements incohérents
j'avais envie de me relever pour la
dessiner avec le coude ou le genou en l'air
mais je m'endormais aussi
ce matin je l'ai amenée à l'école
chansons pour se réveiller pains au
chocolat chaussettes de la veille et mandarine glissée dans les
trésors de ses poches
mouchoirs, scoubidous, sachets de sucre
volés sur les comptoirs où les adultes boivent du café
les militaires encadraient l'école avec leurs mitraillettes et l'air de protéger la France
et elle, qui me paraissait pourtant si petite,
pendant que je m'inquiétais de la voir à côté des fusils chargés
elle m'a demandé comment ils faisaient pour tenir leurs bonnets de travers
sonnerie - une vague d'enfants
inconnus me l'a reprise
je suis rentrée en fredonnant et en
soufflant dans mes mains
ce midi je mange des pâtes alphabet
avec l'impression tenace
que je peux mieux parler
que d'habitude
1 commentaire:
moi aussi je continue de ne pas savoir trouvé les mots pour décrire l'émotion ressentie d'avoir lu ce beau texte
MERCI
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