21 sept. 2015

j'ai une nouvelle clé dans ma poche.

    J'ai une nouvelle clé dans ma poche
    elle est lourde, lourde,
    je ne m'y attendais pas du tout.
    je ne connais pas l'endroit des choses, la nuit ma main ne va pas toute seule à l'interrupteur
    j'essaye de rebondir d'un mur à l'autre pour m'habituer à eux
    comme dans un espèce de Pong humain sur une console Atari de la vraie vie.
    mon chat a sorti le nez de dessous le canapé
    j'ai coupé toute la nourriture à la main puisque j'avais oublié les couteaux. J'ai abandonné l'idée de faire une purée de patates douces avec cette technique.

    j'ai enfin retrouvé le carton "petites culottes" .
    J'ai remis mon bureau debout.
    J'ai ouvert le carton "papiers à trier" et je l'ai versé joyeusement à sa place, dans la caisse en bois qui contenait, selon l'inscription un peu effacée, des salami italiens, "prodotto di qualita". Mon produit de qualité c'est plein de vieux papiers, griffonnages, trucs administratifs du siècle dernier, bouts de choses inabouties, bordel infiniment familier. Que je trie, comme il se doit, beaucoup moins rapidement qu'il ne se remplit.

    J'ai fait une place à toutes mes statues.
    A défaut de s'endormir au milieu des fontaines elles me regardent travailler d'un air amusé et un peu fier, sauf celles qui n'ont pas de têtes, qui ont juste l'air, hum, indifférent à la situation.
    Avec les cartons qui restaient, j'ai fabriqué des meubles pour faire comme dans Moon Palace.
    Moon Palace tout juste sorti du carton "livres préférés" où j'imagine que pendant cette semaine de cohabitation, tout le monde est devenu ami: poètesses indiennes et écrivains grognons, monstres colorés de vieux livres pour enfants, musiciens morts, personnages dessinés à l'encre noire, tous rencontrés avec stupeur et aimés ardemment, ayant gagné le droit de séjour dans ce carton puisque c'est ceux là que j' achète en mille exemplaires pour faire semblant de les oublier dans les maisons, les sacs, les voitures, des personnes que je croise et que j'aime beaucoup aussi. ça s'appelle, selon les jours, du contre-pickpockettage, du vol à l'envers, ou faire des cadeaux très très timidement.

    J'ai appris que tout était important. Ces petites choses que j'ai jetées avant de partir parce que je les pensais futiles, petites cagettes en bois peintes, vieux journaux pour faire des collages, figurines abimées, je suis triste et perdue sans eux. Je croyais qu'il fallait, autant que possible, faire place nette.
    Cela fait trois ou quatre fois dans ma vie que j'apprends qu'absolument pas. Place nette est une connerie. Place nette est une arnaque. Vive les places pas nettes du tout, les places chargées d'histoires, d'émotions, de choses tordues, anciennes, secrètes et inventées.

    Tous mes objets ont une histoire. Je les aime pour encore plus de raisons qu'eux mêmes.
    Maintenant je regarde les murs dans lesquels ils se trouvent et ils sont tellement inconnus et blancs, tellement grands et intimidants.

    J'espère que bientôt eux aussi me raconteront leur petite berceuse d'histoires familières, berceuse à laquelle on rajoutera des couplets au fur et à mesure, comme sur un très long canevas, brodant avec une couleur amusée, une couleur surprise, une couleur profonde, une couleur quotidienne, une chanson infinie, sans cesse plus longue et plus aimée.

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