J'écoute du Bob Dylan
emmitouflée dans 14 pulls
j'ai froid tout le temps
jamais perdu autant de sang de ma vie
jamais perdu autant de certitudes
J'écoute Bob Dylan
c'est toujours la même chanson
j'avais jamais compris avant
je sais pas pourquoi
pourquoi il disait "don't think
twice, it's alright"
penser deux fois, y repenser, ça
voulait rien dire pour moi
et maintenant que je suis là
avec un message à la main comme un
caillou devant un étang
je comprends
je comprends
je le balance et je le sens sous mes
doigts
je me demande si c'est le bon caillou
j'aime bien l'avoir un peu là qui
hésite
je me demande quel genre de ricochet ça
s'appelle
j'ai relu et relu mon caillou
il me fait rire et il m'émeut
je l'ai trouvé d'un seul coup comme
les autres
je regarde l'étang
et puis je baisse les yeux
merdalors c'est fou d'être timide
comme ça
devant les flaques c'est pareil
mon reflet en passant devant - rouge à
chaque fois
si je voulais raconter chaque
interaction que j'ai eue dans ma vie
ça serait une petite guirlande de
détours, de fuites, de rougissements, de yeux fermés
de tambourins dans la tête et de
ventres qui se tordent
ça me fait plus peur que tout, un
regard
un vrai regard je veux dire
par quel miracle je suis restée
vivante sur scène je ne sais pas
et par quelle magie j'ai fini par
monter là dessus en courant
avec une joie indescriptible
ma timidité en bandoulière
à jouer dessus comme la guitare
si seulement je pouvais apprendre à
faire ça dans la vie
je me dis ça devant mon étang
avec mon caillou dans la main
avec Bob qui raconte ses conneries
bien belles conneries oui ça c'est sûr
qui me dit que quoi que je fasse
lancer pas lancer
c'est pas si grave, pas obligée de se
faire les quatre vingt milliards d'autres scénarios possibles
en rembobinant et dérembobinant le
moment du lançage
en se demandant si en lançant un peu
plus à droite un peu plus à gauche
un caillou un peu plus plat un peu plus
pointu
non
juste lancer mon caillou
et regarder
si une main se dresse
et l'attrape
mais je remettais le caillou dans ma
poche pour un soir encore
et je retraversais ma forêt
je mettais la tête sous le pelage de
tous mes animaux imaginaires
pas le moment de trembler je me disais
mais le caillou restait là dans ma
poche
et j'étais contente de le savoir au
chaud
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