19 janv. 2019

La Niouzléteur de Janvier 2019 : LE PREMIER MATIN DE TOUTE UNE VIE

Voici la Niouzléteur de Début Janvier
quand j'ai le temps et que ça s'y prête; je la mets sur le blog
mais la version mail est plus régulière (tous les mois ou deux mois environ) et surtout avec plus d'images et de liens, de petits cadeaux videos de temps en temps !

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et maintenant : la lettre

...


Mes petits loups d'eau douce, douce, oh si douce.

OH ! Ah ! Uh ! comme je souhaite que cette année nouvelle, sortant son corps ondin d'une eau cristalline, t'ouvre les bras ardemment !

je t'écris dans ma salopette orange préférée,
mes nouveaux cheveux verts flottant au vent,
le feu crépitant dans la cheminée de la maison qu'on m'a prêtée pour un mois,
la mer partout autour,
le silence,
la petite boule ronronnante tout près, deux yeux transparents aperçus sous une forêt de poils,
la bouche pleine de bouillie (noisettes/lait de coco/manioc/gaufrettes de l'aire d'autoroute, tu m'en diras des nouvelles, comme me disait feu mon grand père à qui je ne peux hélas plus donner tellement de nouvelles, même si je continue d'aller sur sa tombe et de lui faire la conversation, que voulez-vous, chacun son chagrin, et l'amour est comme les chats, il est toujours rassurant mais il prend tant de formes, il a tant de caractères, le mien ne se tait pas.

donc je vais sur sa tombe et je parle. je lui dis, je vais à l'ile d'yeu, pour un mois, peut-être deux, je fais le ménage, il y a des parties de ma vie qui ne me vont plus, la mue que je fais si souvent en moi-même il faut cette fois que je la fasse à l'extérieur de moi-même, tu comprends pépé?

je lui dis Mémé va bien, elle aura 90 ans en Mars, je sais que le temps ça veut plus rien dire pour toi, mais tu te rends compte? Je lui donne des nouvelles de mes soeurs, de mes parents. Je lui dis que je suis amoureuse, que ça transforme tout, que je deviens encore plus moi-même. Quand il y a d'autres gens dans le cimetière je m'en vais. J'aimerais une tombe au pied d'un arbre, pour pouvoir rester longtemps et parler. Mais celle ci n'est pas si mal, elle donne sur la ville et les montagnes au loin, et puis je sais comment il est couché, avec quelle chemise, je sais que dans sa poche il y a un secret d'amour. Enfin voilà, je fais semblant de vouloir vous écrire légèrement, de donner une recette de bouillie fantaisiste et voilà que je parle de ceux que j'aime, de la mort, et de cette vie qui se transforme, heureusement et étonnamment, à chaque instant. Moi ça me va, ce virage qui sonne plus juste, plus sincère, j'espère que vous aussi. )

J'ai donc la bouche pleine de coco, de noisettes, et de bonnes résolutions, et maintenant curieusement la gorge un peu seche, contrairement aux yeux.

Je vous envoie une marmite d'amour, assez grande pour vous plonger dedans tout entiers.

...

Comment je fais pour devenir plus moi-même, comment je fais pour donner mieux? Voilà les questions qui me trottent toujours dans la tête, comme des petites souris farceuses, mignonnes et grignotant tout. D'habitude, je peux pas vraiment les suivre, parce qu'il y a déjà ça, ça et ça de prévu, parce que ma sensibilité fait qu'un évènement en provoque mille autres, qui le précèdent et le suivent, parce que tout m'emporte, me séduit, me sidère, me blesse ou me répare, parce qu'enfin celà fait longtemps que je n'ai rangé ni ma maison ni ma vie. Celà fait sept ou huit ans maintenant, tout un cycle, que je vous chante mes chansons, de scène en scène, petits pointillés sur lesquels je saute à pieds nus, hop hop hop.
Ces derniers mois, j'ai eu envie, besoin, grand besoin, le besoin de l'air quand a trop retenu sa respiration, grand besoin de liberté, de temps, de silence.

J'ai dit oui à cette proposition : un mois ou deux dans une maison inconnue et accueillante, près de la mer, toute seule avec une personne que j'aime, qui me laisse largement assez de silence pour me rouler dedans, et qui, après une nuit enlaçant la nature comme un gros serpent blanc, s'éveille à l'aube et s'enfuit, le chat sur ses talons, la soif de tout à la fois dans sa gorge, et passe ses journées à fouiller les bosquets, les vagues, les insectes, parfois les humains, cherche des indices d'une vie étrange et crépitante, assemble des choses en puzzle pour en dire une vérité qu'on n'avait pas soupçonnée et qui se révèle, toute nue sur la table, la vie qui a soulevé son jupon d'un air malicieux, et lui en filme les mille splendeurs secrètes, tous les théâtres et les entrechocs, les romantismes souterrains, et ensemble je les vois revenir le soir, chat et humain, avec les yeux ébahis et les pattes pleines de boue.

C'est de là que je vous écris, d'abord pour le plaisir de vous écrire, ensuite pour vous dire celà, tout court, et puis pour vous dire que pour moi ce sont les deux premiers mois d'un temps plus long, une nouvelle période qui s'ouvre, le premier matin de toute une vie qui a enlevé encore une chrysalide.

Aussi vous dire que je ne sais pas si celà me fera parler moins ou parler beaucoup plus, mais j'espère, les deux à la fois. Je remets mon monde dans l'ordre.
Bien-sûr, j'irai faire les choses que j'ai déjà engagées, bien-sûr je ferai au mieux pour le faire de tout mon coeur.
Mais j'ai besoin d'un infini de silence, de solitude, d'amour.
J'ai besoin de sortir tous mes tiroirs et de les déverser sur la table, mes tiroirs dans lesquels une quantité incroyable de projets artistiques sont enfouis, serrés, débordants, et de temps en temps quand l'un ou l'autre naissait, je vous l'écrivais, je disais, "le conte de l'Etrange Petite Sirène est prêt, elle sortira en dvd !", ou "je vais faire un livre de partitions de paroles et de dessins pour jouer mes chansons!", ou "les tshirts sont presque prêts", ou "la bd va sortir !" et puis prise par les urgences qu'un regard plus vrai savait pourtant insignifiantes et sans profondeur, je me faisais engloutir à nouveau dans une course folle, et pour ne pas les asphyxier, je fourrais hâtivement les projets presque-prêts dans le tiroir, serrés parmi les autres. "Pour quand j'aurai un peu plus de temps" .

Voilà, ce temps, je le prends. Promis, chers projets, j'ai enlevé mes bottes d'aucune lieues qui n'allaient nulle part, j'apprenais en chemin bien-sûr, mais, mais, c'est tellement mieux quand la route est choisie.

Ces prochains temps, il y aura donc peut-être un peu moins de choses visibles, est ce que ce sera moins de paroles, moins de réseaux sociaux, moins de réponses aux milliards de mails professionnels, moins de concerts? je ne sais pas encore, je trie, je laisse la pâte de mon corps se reposer. Je renifle comme une odeur que j'avais oublié, mais qui m'est familière, que ce silence est justement la bonne route, la vraie route, pour donner beaucoup, tellement, tellement plus. J'avais l'impression de m'éparpiller, de parler dans une langue qui n'était pas la mienne, comme si j'agissais avec des bras légèrement à côté de mes propres bras.

Je crois que les miens mettent plus de temps à bouger que ce qu'on me demande généralement. Mais qui est ce "on", sinon une entité vide, creuse, qui s'incarne dans l'un ou l'autre selon les faux besoins d'un moment?

J'espère que les concerts, les mots, les gestes que je donnerai seront mille fois plus justes et plus profonds. Je pense aussi que je vais faire des tas d'expériences, tatonner, me laisser trébucher, ou gravir des choses que je ne sais pas encore gravir, parce que ça a toujours été ma manière de comprendre, d'apprendre, d'avancer. De chercher aussi comment donner quelque chose sincèrement, pas une façade de quelque chose, pas quelque chose pour avoir des applaudissements, chercher quelque chose de vrai. C'est cette obsession qui me fait mettre chaque pas après l'autre quand je n'ai même encore aucune idée d'où je vais ou de comment faire pour traverser des jungles qui ont l'air impénétrables, c'est elle qui parlait en sourdine, sous le couvercle des faux-devoirs-à-faire, des faux-conseils-criés-dans-mes-oreilles quasiment chaque jour depuis sept ou huit ans, empruntant la voix de l'un ou l'autre, et je parlerai une autre fois plus longuement de ces cris. Mais mon obsession a pris des poumons, elle crie beaucoup, beaucoup plus fort que ça, d'une voix plus enivrante, et qui enhardit à chaque pas, qui donne de la force à mesure qu'on l'écoute et qu'on avance.

Me voici donc pieds nus comme j'aime, travaillant déjà avec un calme comme je ne me souviens pas avoir connu. J'ai cité trois ou quatre projets si anciens, parce que je me souviens en avoir parlé dans ces niouzléteurs que je prends tant de plaisir à écrire, mais il y en a tant, certains tout neufs, la dernière brique de mots à peine posée, le ciment des images encore frais, d'autres attendant depuis longtemps, fruits imaginaires mûrs à point, sachant chaque mouvement à l'avance; et puis tous frémissant, frétillants comme des gros poissons impatients, tous, tellement heureux de sortir bientôt vous rencontrer.
Bien-sûr, un de ces énormes poissons aux yeux ronds, aux écailles multicolores, aux airs de dragons presque apprivoisés, un de ceux auxquels je pense, c'est un deuxième album. Je fais aussi de la place pour le laisser naitre à son rythme. ça aussi, ça demande la bonne dose de temps, de tranquillité, de joie, de folie, de moment présent.

Et puis, voici une image d'un des minuscules cadeaux, sortis des tiroirs, sur lequel je travaille ces jours-ci.
Une vidéo prise dans le ventre de la terre, on s'était perdus dans la forêt, on nous avait confié le secret de l'endroit, à peu près, vous verrez, on peut descendre, descendre dans la terre, là où tout est silencieux et tout vit.
J'y avais joué trois chansons. Deux de mes reprises débordantes, et une chanson à peine née. Je ne sais pas encore si on va sortir les trois, j'aimerais bien, un petit triptyque du ventre de la terre. La lumière est incroyable, le lieu est beau à s'évanouir, une petite chauve souris vient dire bonjour, ça sent le silence, l'humidité, les insectes. Je ne sais pas encore trop faire avec les prises de sons, on essaye des choses. J'espère que ça sera écoutable. J'espère que ça vous plaira. 



C'est en préparant ce petit cadeau que je vous souhaite une merveilleuse, une frémissante, une de coeur-ébloui, une de joie-éclose année 2019

avec plein d'amour

Camille Hardouin - La Demoiselle inconnue - anciennement un homard (dont la carapace glissait de plus en plus)- me voici dehors aussi - c'est à dire encore plus dedans pour être encore plus dehors- c'est fini les métaphores cheloues normalement c'est la signature on n'a plus le droit de rajouter des trucs- en même temps c'est l'écriture la langue c'est vivant on a les droits qu'on veut- je veux bien me battre à l'épée en mousse avec un académicien- un combat de langage, ma langue étant vivante elle va mieux que n'importe quelle langue sous couvercle- c'est vrai je trouve qu'un académicien a une relation abusive avec la langue- qu'une langue ça doit se promener en liberté dans la bouche-voilà-maintenant je rajoute plus des trucs j'ai lancé une idée de duel imaginaire en mousse donc j'imagine que là ça va c'est bien comme signature - est ce que vous aussi vous parlez pas beaucoup et puis d'un seul coup sans pouvoir vous arrêter? est ce que vous aussi vos vies se transforment et sortent de leurs chrysalide? est ce que vous signez toujours de quatorze noms à la fois dont des comparaisons volontairement périmées avec des crustacés immortels que vous préférez largement et du mois théoriquement aux académiciens qui sont figés ce qui est l'inverse d'être immortels malgré le nom qu'ils portent de force et comme un drapeau puisque je trouve que la langue il faut jouer avec elle, qu'elle doit être heureuse de jouer avec celui qui la prononce- je ne sais pas pourquoi au petit déjeuner je me suis mise à parler des académiciens et de la langue vivante et que la langue il fallait l'utiliser avec amour, que si on met l'amour ou la vie ou la langue sous un couvercle tout meurt et tout est malheureux- moi je veux des académiciens farceurs et courant dans le jardin en petite culotte en disant les nouveaux mots qu'ils ont entendus partout, dans la bouche de plein de gens aux vies différentes, et bénissant chaque mot qui n'en avait d'ailleurs pas besoin, et s'émerveillant de tous les visages différents du langage, bref agissant avec joie et non avec peur, avec gratitude que le langage se prête à nous au lieu de vouloir l'enfermer quelque part. Vous voyez je parle de choses comme ça, d'envie de liberté dans ma bouche, au petit déjeuner et dans les signatures- c'est une drôle de période, racontez moi la votre si vous avez envie - et puis joyeuse année nouvelle, qu'elle soit comme la langue, accueillie, aimée, joueuse, vivante, farceuse, dévorante, sensuelle, affamée, salivante, et merci à toi, que je ne connais pas beaucoup mais que j'aime de tout mon coeur, à qui je passe littéralement ma vie à écrire, merci chère créature vaillante,  de m'avoir lue jusque là

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