21 déc. 2015

Merci le festival Les Zincs Chantent !


     Le jeu, ce week end, c'était de venir jouer dans les cafés d'Ardèche, d'emmener la musique dans des lieux où elle ne se fait pas forcément d'habitude.

     Le premier soir, la fatigue du trajet aidant, j'ai un peu sursauté à la vue du père Noël gonflable géant qui trônait devant le café (au lieu de me jeter dessus pour faire un câlin-trampoline, comme aurait fait tout un chacun).
     A l'heure dite, je suis partie m'enfermer dans le placard à tomates pour écrire sur mes bras, me concentrer, et puis je suis sortie, complètement hésitante, mais j'ai fermé les yeux, retenu ma respiration, et j'ai plongé, quand même, malgré les jours d'orage.
     En nageant, je touchais du mieux que je pouvais tout mes repères, pour ne pas oublier la route : bergère d'oubli qui ouvre la route à travers le silence, ensuite les rivières étonnées, alors l'apparition des désobéissances, des os-forêts, des refuges palpitants. A ce moment, je me suis rendue compte qu'on y était : j'ai entrouvert les yeux, et je voyais d'autres yeux, d'autres pieds posés près des miens. Dans le tunnel, sous le carrelage et les menues habitudes qu'on avait décalées en même temps que les plantes en pots et les tables du repas du soir, il y avait tout un fleuve, qu'il n'y avait plus qu'à remonter, à tâtons, jalonné de poissons lucioles et de grimaces extatiques à travers les masques, qui nous font les regards troubles et bien plus grands, jusqu'à ressurgir haletants, à la source, plein de boue et trempés jusqu'aux os. Que c'était bien de découvrir ça avec vous.

     Le lendemain, c'était une autre couleur d'aventure. Maria, qui tient ce petit café au creux d'Annonay, avait tout préparé, elle nous attendait, trottinant dans son bar qui se peuplait d'habitués curieux, et tout, les chevaux à bascules, les vieux pétrins, les petits bancs roses, respirait comme elle, dans la même lumière d'hiver infiniment bienveillante.
     Le pied à peine entré, j'ai donc glissé dans un toboggan de reconnaissance, et j'ai retrouvé la facilité presque oubliée de la nage, moi qui avait douté un moment que je venais des poissons. Les écailles sont revenues aussitôt la lumière éteinte, et l'expédition s'est faite cette fois à plein poumons : plus besoin du secret puisque le monde entier était recouvert par l'eau, et que tous, infiniment serrés les uns contre les autres, assis au petit bonheur des chaises, des marches, du sol ou des genoux du voisin, collés contre la vitre de ce café débordant, nous le savions, que nous étions amphibies.

     J'avais l'impression de nager d'une bouche à l'autre, du dedans, et je reconnaissais mes mots mais je n'étais plus bien sûre que c'était ma salive. Dans ce gros ventre d'eau, les limites étaient forcément et heureusement troubles.

     Alors, merci, Maria et son café de la Mairie, merci Nathalie, Cassandre, le père Noël marquant l'entrée du souterrain, et le café du Nord.
     Merci surtout infiniment à toute l'équipe épique des Zincs Chantent, Hélène, Aurore, Vincent, Xavier, Amaury, Ludivine, Filou, Lise qui a rigolé 48h d'affilée, malgré les bouts de fondue tombés dans le lac avec des legos attachés aux pieds, Romain qui a écouté et guidé mes demandes de particules sonores invisibles, l'autre Romain a qui on a volé la tractopelleteuse pour éviter un retour à dos de grève des trains, et Bertrand qui, en plus d'avoir pris cette petite photo garantie sans autre filtre que celle de la buée et des guirlandes de Noël, a survécu à la désormais légendaire technique du Koala (qui consiste à s'accrocher au dos d'autrui, tel un mignon petit sac à dos ivre, et déterminé, jusqu'à obtenir gain de cause. Je conseille la technique notamment à tous ceux qui pensent demander une prime de fin d'année, au bureau.)
     Merci aussi les ânes qui courent dans le matin, les copains recroisés, les gens qui étaient venus habiter en Ardèche à force de tourner pour trouver une place à Paris (ça fait loin pour se garer, mais après on est bien) et qui décapotaient leurs voitures sans permis à la scie sauteuse, les magazines qui répondent aux 200 questions intrigantes sur les chats (votre chat veut il vous tuer ? Spoiler : OUI.) , merci les totales verveines, les horizons de pierre, de montagne, et d'arbres, les feux dans la nuit, et toutes les lumières, celles qui rendent les murs méconnaissables, celles qui décorent immuablement les vitrines embuées, l'hiver, et surtout, surtout, celles à peine découvertes et déjà évidentes, et qu'on trouve forcément, avec les yeux des mains, c'est à dire à tâtons.

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