C'était tes vingt ans,
Ta salle résonnait tellement que je me
retrouvais à aller plus loin et plus profond que ce que je pensais
possible, je n'en finissais plus d'explorer les possibilités de
cette résonance, de venir sur vos genoux voir comment ça sonnait là
haut, de vous inviter aussi à tout écouter, d'ici. On essayait un
nouveau micro qui m'enthousiasmait assez follement, et additionné
avec la reverb et le fait que Tibô, qui travaille le son et ses
textures de manière déjà franchement géniale d'habitude,
commençait à bien connaître le concert après trois ou quatre
tours de pistes ensemble, on avait un total sonore à peu près égal
à une texture entre un yaourt velouté 100% crème et un chaton
angora poils extra-longs. Bref, j'étais contente. (Quoique citer les
deux ensemble dans une même phrase fasse plutôt penser à une
cuillère pleine de poils de chat aux yaourts. ) (il faut vraiment
que je pense à télécharger l'appli "coordination de
métaphores")
Côté lumière, il y avait aussi de
quoi faire de petits bonds de joie. Le plateau était beau, doucement
enfumé, et Pierrot qui pourtant jonglait avec une console dont il
n'avait pas l'habitude, avait scrupuleusement noté toutes les ambiances
de mes chansons, on inventait des paysages ensemble, avec les
conseils de Julien, moi perchée là haut avec eux sur la console, et
Stu ou Clement prenaient la pose pour figurer ma silhouette au milieu
de toutes ces couleurs, "tu crois qu'on peut piquer ta lampe
frontale?" , et comme ils disaient oui, "tu crois qu'on
peut prendre le vieux projecteur de déco, le Cremer, et s'en servir
vraiment"? , et comme ils disaient oui "tu crois que pendant
que tu m'imites pour qu'on fasse les lumières tu peux aussi teindre
tes cheveux en bleu pour voir comment ça fait" et comme ils
disaient non "ah tant pis".
A part reteindre tout le monde on a
tout essayé, j'ai aussi repris la Barbie et l'équilibre
mi-clownerie, mi-violence-et-hallucinations-racontées, de BOMT, ma
reprise de Baby One More Time.
Britney avait perdu une main dans la bataille mais on était superheureuses de se retrouver quand même, sa petite robe à paillettes scintillant dans l'ombre.
Britney avait perdu une main dans la bataille mais on était superheureuses de se retrouver quand même, sa petite robe à paillettes scintillant dans l'ombre.
C'était si facile, si fluide, de me
promener dans tous ces paysages avec vous, dans ce festival de la
Parole qui tient debout depuis 20 ans, avec ses bénévoles qui
cuisinent, qui montent et démontent, qui choisissent et organisent,
et qui m'ont fait signer affiche sur affiche au milieu des flans à
la noix de coco et des lentilles à l'indienne.
A la fin du spectacle j'ai fait
descendre tout le monde oui, j'ai dit jusqu'à ce qu'on s'en remette
je chanterai Leonard Cohen, et je m'en remettrai jamais c'est sûr,
j'ai dit encore une fois "le poète n'existe plus mais ses chansons
existeront toujours", et puis j'ai fait ma chanson d'oubli, ma
chanson ancienne venue pour faire un cadeau de vie et de mort, une
chanson rituelle qui appartenait à tous, une chanson a capella dans
cette salle qui résonnait si fort, tous ces gens assis sur le
plateau, leurs grands yeux dans les couleurs et la fumée, et mes
pieds qui tapaient contre le sol, c'est la terre, c'est la terre, qui
reprend tous ses enfants, laisse toi tomber dedans, j'ai chanté,
chanté tout ce que j'ai pu, et puis je suis partie, voilà.
Je suis repartie avec mes Mimosas, avec
mon souvenir du papillon-frelon qui m'a attaqué en droite ligne au
milieu de "Bonsoir", à tel point que j'ai du m'arrêter
pour éclater de rire et m'enfuir, avec mes
souvenirs de chansons réclamées et oubliées, avec tous ces
paysages enfumés, cet accueil fou, ce velours de son, et vos yeux,
vos sourires, est ce que je peux te prendre dans mes bras, est ce que
tu veux bien signer mon ticket, est ce que je peux te dire merci,
qu'est ce que c'est que ta chanson ancienne de l'oubli, toutes ces
questions étaient comme des cadeaux, je recevais tout, je les
mettais dans ma poche, avec mes guitares et mon mimosa, et puis je
filais retrouver Paris.
(credit photo : Philippe, Quand On Conte )
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