Voici la Niouzléteur de Début Janvier
quand j'ai le temps et que ça s'y prête; je la mets sur le blog
mais la version mail est plus régulière (tous les mois ou deux mois environ) et surtout avec plus d'images et de liens, de petits cadeaux videos de temps en temps !
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et maintenant : la lettre
...
Mes petits loups d'eau douce, douce, oh
si douce.
OH ! Ah ! Uh ! comme je souhaite que
cette année nouvelle, sortant son corps ondin d'une eau cristalline,
t'ouvre les bras ardemment !
je t'écris dans ma salopette orange
préférée,
mes nouveaux cheveux verts flottant au
vent,
le feu crépitant dans la cheminée de
la maison qu'on m'a prêtée pour un mois,
la mer partout autour,
le silence,
la petite boule ronronnante tout près,
deux yeux transparents aperçus sous une forêt de poils,
la bouche pleine de bouillie
(noisettes/lait de coco/manioc/gaufrettes de l'aire d'autoroute, tu
m'en diras des nouvelles, comme me disait feu mon grand père à qui
je ne peux hélas plus donner tellement de nouvelles, même si je
continue d'aller sur sa tombe et de lui faire la conversation, que
voulez-vous, chacun son chagrin, et l'amour est comme les chats, il
est toujours rassurant mais il prend tant de formes, il a tant de
caractères, le mien ne se tait pas.
donc je vais sur sa tombe et je parle.
je lui dis, je vais à l'ile d'yeu, pour un mois, peut-être deux, je
fais le ménage, il y a des parties de ma vie qui ne me vont plus, la
mue que je fais si souvent en moi-même il faut cette fois que je la
fasse à l'extérieur de moi-même, tu comprends pépé?
je lui dis Mémé va bien, elle aura
90 ans en Mars, je sais que le temps ça veut plus rien dire pour
toi, mais tu te rends compte? Je lui donne des nouvelles de mes
soeurs, de mes parents. Je lui dis que je suis amoureuse, que ça
transforme tout, que je deviens encore plus moi-même. Quand il y a
d'autres gens dans le cimetière je m'en vais. J'aimerais une tombe
au pied d'un arbre, pour pouvoir rester longtemps et parler. Mais
celle ci n'est pas si mal, elle donne sur la ville et les montagnes
au loin, et puis je sais comment il est couché, avec quelle chemise,
je sais que dans sa poche il y a un secret d'amour. Enfin voilà, je
fais semblant de vouloir vous écrire légèrement, de donner une
recette de bouillie fantaisiste et voilà que je parle de ceux que
j'aime, de la mort, et de cette vie qui se transforme, heureusement
et étonnamment, à chaque instant. Moi ça me va, ce virage qui
sonne plus juste, plus sincère, j'espère que vous aussi. )
J'ai donc la bouche pleine de coco, de
noisettes, et de bonnes résolutions, et maintenant curieusement la
gorge un peu seche, contrairement aux yeux.
Je vous envoie une marmite d'amour,
assez grande pour vous plonger dedans tout entiers.
...
Comment je fais pour devenir plus
moi-même, comment je fais pour donner mieux? Voilà les questions
qui me trottent toujours dans la tête, comme des petites souris
farceuses, mignonnes et grignotant tout. D'habitude, je peux pas
vraiment les suivre, parce qu'il y a déjà ça, ça et ça de prévu,
parce que ma sensibilité fait qu'un évènement en provoque mille
autres, qui le précèdent et le suivent, parce que tout m'emporte,
me séduit, me sidère, me blesse ou me répare, parce qu'enfin celà
fait longtemps que je n'ai rangé ni ma maison ni ma vie. Celà fait
sept ou huit ans maintenant, tout un cycle, que je vous chante mes
chansons, de scène en scène, petits pointillés sur lesquels je
saute à pieds nus, hop hop hop.
Ces derniers mois, j'ai eu envie,
besoin, grand besoin, le besoin de l'air quand a trop retenu sa
respiration, grand besoin de liberté, de temps, de silence.
J'ai dit oui à cette proposition : un
mois ou deux dans une maison inconnue et accueillante, près de la
mer, toute seule avec une personne que j'aime, qui me laisse
largement assez de silence pour me rouler dedans, et qui, après une
nuit enlaçant la nature comme un gros serpent blanc, s'éveille à
l'aube et s'enfuit, le chat sur ses talons, la soif de tout à la
fois dans sa gorge, et passe ses journées à fouiller les bosquets,
les vagues, les insectes, parfois les humains, cherche des indices
d'une vie étrange et crépitante, assemble des choses en puzzle pour
en dire une vérité qu'on n'avait pas soupçonnée et qui se révèle,
toute nue sur la table, la vie qui a soulevé son jupon d'un air
malicieux, et lui en filme les mille splendeurs secrètes, tous les
théâtres et les entrechocs, les romantismes souterrains, et
ensemble je les vois revenir le soir, chat et humain, avec les yeux
ébahis et les pattes pleines de boue.
C'est de là que je vous écris,
d'abord pour le plaisir de vous écrire, ensuite pour vous dire celà,
tout court, et puis pour vous dire que pour moi ce sont les deux
premiers mois d'un temps plus long, une nouvelle période qui
s'ouvre, le premier matin de toute une vie qui a enlevé encore une
chrysalide.
Aussi vous dire que je ne sais pas si
celà me fera parler moins ou parler beaucoup plus, mais j'espère,
les deux à la fois. Je remets mon monde dans l'ordre.
Bien-sûr, j'irai faire les choses que
j'ai déjà engagées, bien-sûr je ferai au mieux pour le faire de
tout mon coeur.
Mais j'ai besoin d'un infini de
silence, de solitude, d'amour.
J'ai besoin de sortir tous mes tiroirs
et de les déverser sur la table, mes tiroirs dans lesquels une
quantité incroyable de projets artistiques sont enfouis, serrés,
débordants, et de temps en temps quand l'un ou l'autre naissait, je
vous l'écrivais, je disais, "le conte de l'Etrange Petite
Sirène est prêt, elle sortira en dvd !", ou "je vais
faire un livre de partitions de paroles et de dessins pour jouer mes
chansons!", ou "les tshirts sont presque prêts", ou
"la bd va sortir !" et puis prise par les urgences qu'un
regard plus vrai savait pourtant insignifiantes et sans profondeur,
je me faisais engloutir à nouveau dans une course folle, et pour ne
pas les asphyxier, je fourrais hâtivement les projets presque-prêts
dans le tiroir, serrés parmi les autres. "Pour quand j'aurai un
peu plus de temps" .
Voilà, ce temps, je le prends. Promis,
chers projets, j'ai enlevé mes bottes d'aucune lieues qui n'allaient
nulle part, j'apprenais en chemin bien-sûr, mais, mais, c'est
tellement mieux quand la route est choisie.
Ces prochains temps, il y aura donc
peut-être un peu moins de choses visibles, est ce que ce sera moins
de paroles, moins de réseaux sociaux, moins de réponses aux
milliards de mails professionnels, moins de concerts? je ne sais pas
encore, je trie, je laisse la pâte de mon corps se reposer. Je
renifle comme une odeur que j'avais oublié, mais qui m'est
familière, que ce silence est justement la bonne route, la vraie
route, pour donner beaucoup, tellement, tellement plus. J'avais
l'impression de m'éparpiller, de parler dans une langue qui n'était
pas la mienne, comme si j'agissais avec des bras légèrement à côté
de mes propres bras.
Je crois que les miens mettent plus de
temps à bouger que ce qu'on me demande généralement. Mais qui est
ce "on", sinon une entité vide, creuse, qui s'incarne dans
l'un ou l'autre selon les faux besoins d'un moment?
J'espère que les concerts, les mots,
les gestes que je donnerai seront mille fois plus justes et plus
profonds. Je pense aussi que je vais faire des tas d'expériences,
tatonner, me laisser trébucher, ou gravir des choses que je ne sais
pas encore gravir, parce que ça a toujours été ma manière de
comprendre, d'apprendre, d'avancer. De chercher aussi comment donner
quelque chose sincèrement, pas une façade de quelque chose, pas
quelque chose pour avoir des applaudissements, chercher quelque chose
de vrai. C'est cette obsession qui me fait mettre chaque pas après
l'autre quand je n'ai même encore aucune idée d'où je vais ou de
comment faire pour traverser des jungles qui ont l'air impénétrables,
c'est elle qui parlait en sourdine, sous le couvercle des
faux-devoirs-à-faire, des faux-conseils-criés-dans-mes-oreilles
quasiment chaque jour depuis sept ou huit ans, empruntant la voix de
l'un ou l'autre, et je parlerai une autre fois plus longuement de ces
cris. Mais mon obsession a pris des poumons, elle crie beaucoup,
beaucoup plus fort que ça, d'une voix plus enivrante, et qui
enhardit à chaque pas, qui donne de la force à mesure qu'on
l'écoute et qu'on avance.
Me voici donc pieds nus comme j'aime,
travaillant déjà avec un calme comme je ne me souviens pas avoir
connu. J'ai cité trois ou quatre projets si anciens, parce que je me
souviens en avoir parlé dans ces niouzléteurs que je prends tant de
plaisir à écrire, mais il y en a tant, certains tout neufs, la
dernière brique de mots à peine posée, le ciment des images encore
frais, d'autres attendant depuis longtemps, fruits imaginaires mûrs
à point, sachant chaque mouvement à l'avance; et puis tous
frémissant, frétillants comme des gros poissons impatients, tous,
tellement heureux de sortir bientôt vous rencontrer.
Bien-sûr, un de ces énormes poissons
aux yeux ronds, aux écailles multicolores, aux airs de dragons
presque apprivoisés, un de ceux auxquels je pense, c'est un deuxième
album. Je fais aussi de la place pour le laisser naitre à son
rythme. ça aussi, ça demande la bonne dose de temps, de
tranquillité, de joie, de folie, de moment présent.
Et puis, voici une image d'un des
minuscules cadeaux, sortis des tiroirs, sur lequel je travaille ces
jours-ci.
Une vidéo prise dans le ventre de la
terre, on s'était perdus dans la forêt, on nous avait confié le
secret de l'endroit, à peu près, vous verrez, on peut descendre,
descendre dans la terre, là où tout est silencieux et tout vit.
J'y avais joué trois chansons. Deux de
mes reprises débordantes, et une chanson à peine née. Je ne sais
pas encore si on va sortir les trois, j'aimerais bien, un petit
triptyque du ventre de la terre. La lumière est incroyable, le lieu
est beau à s'évanouir, une petite chauve souris vient dire bonjour,
ça sent le silence, l'humidité, les insectes. Je ne sais pas encore
trop faire avec les prises de sons, on essaye des choses. J'espère
que ça sera écoutable. J'espère que ça vous plaira.
C'est en préparant ce petit cadeau que
je vous souhaite une merveilleuse, une frémissante, une de
coeur-ébloui, une de joie-éclose année 2019
avec plein d'amour
Camille Hardouin - La Demoiselle inconnue - anciennement un homard (dont
la carapace glissait de plus en plus)- me voici dehors aussi - c'est à
dire encore plus dedans pour être encore plus dehors- c'est fini les
métaphores cheloues normalement c'est la signature
on n'a plus le droit de rajouter des trucs- en même temps c'est
l'écriture la langue c'est vivant on a les droits qu'on veut- je veux
bien me battre à l'épée en mousse avec un académicien- un combat de
langage, ma langue étant vivante elle va mieux que n'importe
quelle langue sous couvercle- c'est vrai je trouve qu'un académicien a
une relation abusive avec la langue- qu'une langue ça doit se promener
en liberté dans la bouche-voilà-maintenant je rajoute plus des trucs
j'ai lancé une idée de duel imaginaire en mousse
donc j'imagine que là ça va c'est bien comme signature - est ce que vous
aussi vous parlez pas beaucoup et puis d'un seul coup sans pouvoir vous
arrêter? est ce que vous aussi vos vies se transforment et sortent de
leurs chrysalide? est ce que vous signez toujours
de quatorze noms à la fois dont des comparaisons volontairement périmées
avec des crustacés immortels que vous préférez largement et du mois
théoriquement aux académiciens qui sont figés ce qui est l'inverse
d'être immortels malgré le nom qu'ils portent de
force et comme un drapeau puisque je trouve que la langue il faut jouer
avec elle, qu'elle doit être heureuse de jouer avec celui qui la
prononce- je ne sais pas pourquoi au petit déjeuner je me suis mise à
parler des académiciens et de la langue vivante et
que la langue il fallait l'utiliser avec amour, que si on met l'amour ou
la vie ou la langue sous un couvercle tout meurt et tout est
malheureux- moi je veux des académiciens farceurs et courant dans le
jardin en petite culotte en disant les nouveaux mots qu'ils
ont entendus partout, dans la bouche de plein de gens aux vies
différentes, et bénissant chaque mot qui n'en avait d'ailleurs pas
besoin, et s'émerveillant de tous les visages différents du langage,
bref agissant avec joie et non avec peur, avec gratitude que
le langage se prête à nous au lieu de vouloir l'enfermer quelque part.
Vous voyez je parle de choses comme ça, d'envie de liberté dans ma
bouche, au petit déjeuner et dans les signatures- c'est une drôle de
période, racontez moi la votre si vous avez envie
- et puis joyeuse année nouvelle, qu'elle soit comme la langue,
accueillie, aimée, joueuse, vivante, farceuse, dévorante, sensuelle,
affamée, salivante, et merci à toi, que je ne connais pas beaucoup mais
que j'aime de tout mon coeur, à qui je passe littéralement
ma vie à écrire, merci chère créature vaillante, de m'avoir lue jusque
là